Patricia
OUVRARD

Conteuse - publics de tous âges

Bonjour. Voilà d’où je viens, voilà qui je suis.

J’ouvre mes yeux en 1958… Je sais parler avant de savoir marcher : était-ce un signe ?
Aussi loin que remonte mon souvenir, j’aime la parole, j’aime les mots et j’aime les histoires que disent les Humains.
Aujourd’hui j’aime le Conte comme art de la parole en relation

Les
Spectacles

Patricia OUVRARD

Spectacles tout-public

Patchwork de viesPaysages de vie & Bribes de personnages
Contes & Chansons – A la carte & à Capella.

Conteuse, je travaille depuis plusieurs années la voix chantée, avec Gabriela Barrenechea et d’autres professeurs Roy Hart.
Forte de ce cheminement, je vous propose une nouvelle formule de spectacle dans laquelle je chante autant que je conte.
J’apporte Contes (Contes traditionnels de toutes cultures) et Chants (certains que j’interpréterai seule, d’autres que nous chanterons ensemble).
Ceux que j’aime, qui disent une de ces tranches de vie qui pourrait bien être notre, qui chantent un personnage dans lequel on pourrait se reconnaitre …
Par un ingénieux tirage au sort, vous choisissez les contes et chansons qui font le patchwork unique de votre soirée.

C’est à capella.

 

Duo avec Filip DegrottEt que les contes soient dits, pour que la parole et les sons fassent résonner en vous sensations, émotions… Images.

Et que les contes soient entendus, pour que l’on sache enfin : Comment sont nés les vivants au tout début du monde et pourquoi ils se sont mis à raconter… Comment en Chine une perle a engendré un dragon… Et quelle a été, il y a longtemps, la terrible punition d’un roi d’Irlande sans compassion… Puis avec qui et comment la Femme Squelette a pu quitter enfin la mer glacée…

Et tant d’autres encore : écoutez… Vous verrez !!!

Filip DegrottAu clavier de verre d’un grand Cristal Baschet, ou penché sur ses sculptures sonores étranges, Filip le sculpteur tisse une toile de sons…, la voix de Patricia s’élève, portée par un tissus sonore aux couleurs d’inattendu : invitation au voyage, au rêve, à la méditation, au rire aussi… espaces sonores en perpétuelles évolutions, magie de la parole : le temps paraît comme suspendu… et parfois, un silence, qui parle autant que les sons et les mots…

Partie Musicale : Grand Cristal Baschet, structures sonores Baschet, et des ‘‘hybrides » sortis des mains et des oreilles du sculpteur.
Petits Cristals Baschet, Sculptures Sonores contemporaines, Instruments hybrides… Avant ou après le spectacle, un parcours à la découverte des instruments mis en jeu pendant les contes sera proposé sous forme de promenade sonore interactive : une exposition à voir, à toucher, à jouer, et à entendre…

«Un enfant, fils aimé, dernier né d’un pauvre pêcheur…
Son père lui confie un jour la garde de l’énorme poisson qu’il vient de sortir de l’eau. L’enfant est pris de compassion devant l’agonie de la bête. Sans le vouloir, ses petites mains « qui ne savent rien faire » ramèneront le poisson dans la mer, dans la vie.
Seul sur la plage, devant le filet vide, le fils craint soudain la colère de son père. Il fuit …
On suivra son chemin, ses rencontres, en contes et en chansons … »

Pour qu’elle puisse offrir le meilleur d’elle-même, cette racontée est à déguster en famille. Les contes qui la composent seront entendus avec plaisir par tous, enfants, adolescents et adultes …
Et selon sa propre expérience de vie, chacun y trouvera … son compte !

Durée approximative : 1h20
Tout public à partir de 7 ans

« Une promesse irréfléchie… Et voilà que le Fils du Roi d’Irlande devra conduire sa vie à travers rencontres et épreuves extraordinaires. Il y aura, il y aura…
Un combat entre un serpent et un corbeau, un sac bien mystérieux, un géant hargneux et sa fille, la tant aimée, une pomme qui chante, une source d’eau vive …
Il y aura, il y aura …
Tant de choses encore, jusqu’à la chevauchée finale et fantastique !
Un conte merveilleux ; un chemin initiatique aux multiples rebondissements. »

Le pari de ce spectacle : s’adresser à des enfants à partir de six ans (et à leurs adultes préférés bien surt !) en leur racontant une seule histoire … S’installer ensemble dans la durée, la longueur : le contraire du zapping !
(Pour les séances scolaires, particulièrement adapté pour le cycle 3 en primaire et la classe de 6ème.)

Durée approximative : 1h
Tout public à partir de 6 ans

« Homme et Femme Il les créa …
Enfin, c’est ce que d’aucuns disent… Un conte Ukrainien nous donne une autre version de ce commencement, histoire de raconter pourquoi, homme ou femme, nous sommes extérieurement dissemblables.
Homme et femme, donc, ils existent… La grande affaire ensuite est de se rencontrer !
Tout d’abord la première rencontre, celle là que Dieu, dit-on, a tout fait pour retarder. Histoire de sauvegarder sa tranquillité d’avant…
Ensuite l’histoire de celle qui ira plus loin que son propre effroi, plus loin que la peau du monstre…
Et puis quand l’amour est là, il se crée de grandes choses… ou de petites, qui piquent. Mais si : écoutez, et vous verrez !!!
Ainsi va le monde, depuis si longtemps déjà. Alors, qu’elles soient douloureuses, tumultueuses, ou amoureuses… qu’importe ! A tout jamais, Homme et Femme, nos vies sont faites de nos rencontres.« 

Une racontée pour rire et sourire, pour trembler et s’émouvoir. Parce que l’amour quand même… quelle histoire !!!

Durée approximative : 1h20
Tout public à partir de 10 ans

Des racontées en duo avec Filip Degrott, sculpteur de sons

En maison de retraite, foyer logement, pour une rencontre 3ème âge, ou autre : des contes à rire ou à s’émouvoir…
Et des chansons pour s’y retrouver ; se souvenir d’hier pour le bonheur de chanter ensemble aujourd’hui !

Des contes de Vie, d’Amour, et de mort aussi …
Et puis des chansons : Mon amant de St Jean …Le temps des Cerises … L’auvergnat …La bohême …

Ce temps d’animation est intéressant à partager avec les visiteurs & invités des résidents, il permet un partage inter-générationnel riche de relation, de culture et de plaisir.

Durée approximative : 1 h  – Tout Public de 7 à 107 ans    

Un mot, deux mots, dix mots … et le Conte se donne à voir.

Car la Conteuse est une ensorceleuse : elle connaît plein d’histoires, pour tous ceux qui ont un petit creux à l’oreille… Alors venez, et écoutez … Pour voir !

Vous dégusterez des deux oreilles l’histoire de Petite-Mère qui a très envie d’une soupe au rutabaga, ou bien de l’Ours Réglisse, qui voudrait bien goûter ce qui est caché au fond de son sac … Ou encore celle d’un corbeau gourmand qui est prêt à tous les efforts pour manger enfin les sept petits de la mésange. Mais voilà … Y arrivera t’il ou pas ?

Vous y entendrez répondre d’une belle manière à tous les ‘‘pourquoi du monde ». Les piquants du hérisson, tenez, vous savez d’où ils viennent ? Et ces lignes tracées dans le creux de votre main ? Et les arbres, pourquoi perdent ils leurs feuilles en hiver ?

Vous y rencontrerez enfin la Baba-Yaga, ogresse de la Grande Russie, le pommier de la Mère Misère, l’enfant qui est allé chercher les trois cheveux d’or du Diable ou la rose de Pimprenelle …

Pour ces racontées qui s’adressent à des groupes d’enfants d’âge homogène, accompagnés d’adultes (racontées familiales) ou non (milieu scolaire, bibliothèque …) je puise des contes dans mon répertoire … au gré du temps et du sens du vent, ou selon un thème que vous aurez choisi et qui puisse s’accorder à mon répertoire.

L’âge de la maternelle :
Durée : 30 à 40 mn – Jauge hors salle de spectacle : 1 à 2 classes

L’âge du primaire :
Durée : 45 à 60 mn
Jauge hors salle de spectacle : 1 à 3 classes

L’âge du collège :
Durée : 1h15 à 1h45
Jauge hors salle de spectacle : 2 à 4 classes

Une toute petite dame avait un tout petit chat …

Mais voilà, que l’on soit grand ou petit, vivre ensemble n’est pas toujours facile ! On se fâche, on crie, on pleure … Et puis on se réconcilie.

Ce n’est pas grave : c’est la vie !

Une histoire à voir et à entendre, des chansons à reprendre pour une trentaine de tout-petits (9 – 30 mois) accompagnés de leur(s) adultes(s) préférés …

Histoire racontée & chantée en spectacle
D’après le livre de Byron Barton
Durée approximative : 30 mn

Petite
enfance

Chanter & raconter : des enfantines aux premiers récits, la parole transmise au tout-petit.

Pratique en groupe de jeux de nourrices, chansons de doigts, rondes, suivie de  « racontage(*) d’albums » par la conteuse.

Durée : 20 à 35 mn
Une quinzaine de tout-petits accompagnés.

Objectif : que les adultes puissent vivre et voir le plaisir que le tout-petit prend à ces jeux chantés ou parlés, sa capacité d’intérêt et d’attention à la voix chantée, à l’histoire racontée, à la parole offerte … Et que cela leur donne l’envie de nourrir leur relation à l’enfant de ces jeux,de ces chansons, de cette parole; l’envie de faire vivre en les racontant (*)  les histoires qui dorment dans les albums.

(*) Le « racontage » est différent de la lecture -comme l’oralité est différente de la littéralite – n’a ni plus, ni moins, de valeur que la lecture. Ces deux chemins vers la littérature, vers le livre, me semblent essentiels autant l’un que l’autre : complémentaires.La littérature orale (et en cela je me reconnait bien Conteuse) est pour moi l’accès direct, bien au delà du simple langage, à la Parole, l’indispensable Parole,celle qui nous fait entrer dans notre pleine et entière Humanité.

Destinée aux adultes : parents, assistants maternels, éducateurs, grands-parents, enseignants & et tous autres professionnels et / ou amis de la petite enfance.

Conférence, puisque j’y parle de mon expérience de conteuse et de la spécificité du travail avec la voix, la parole, le récit auprès des tout-petits ; animée car je transmets aux auditeurs quelques enfantines & jeux de doigts, je raconte des albums jeunesse. Vient ensuite un temps d’échange, questions / réponses.

  • Les jeux de nourrices, jeux de doigts etc : jeux à chanter, à jouer, à parler … Re-découvrir leur importance comme objet de plaisir partagé, outil de relation avec le tout-petit, outil de transmission d’une parole, d’une culture, d’une littérature orale. Red-dire leur utilité, leur richesse ; leur nécessité aujourd’hui encore. Se réapproprier un répertoire plus étoffé.
  • Les albums, les premières histoires : dans le foisonnement de la littérature jeunesse, repérer les albums offrant autout-petit se premiers récits (différence avec les imagiers, albums didactiques …) et oser les raconter.

Pour accompagner des adultes désireux d’aller plus loin dans cette connaissance et cette pratique auprès de tout-petits.  

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Une toute petite dame avait un tout petit chat …

Mais voilà, que l’on soit grand ou petit, vivre ensemble n’est pas toujours facile ! On se fâche, on crie, on pleure … Et puis on se réconcilie.

Ce n’est pas grave : c’est la vie !

Une histoire à voir et à entendre, des chansons à reprendre pour une trentaine de tout-petits (9 – 30 mois) accompagnés de leur(s) adultes(s) préférés …

Histoire racontée & chantée en spectacle
D’après le livre de Byron Barton
Durée approximative : 30 mn

Former
Transmettre

Formation

Mon activité de Conteuse Formatrice​

Depuis 1998 pour le Bibliopôle du Maine et Loire, 2009 pour la BDEL (Bib. Dép. Eure & Loir) : « Raconter pour le tout-petit », « Raconter en bibliothèque », « Raconter en EHPAD »

Ponctuellement à l’ENSO et au SAFRANTS, de 2000 à 2013 (EJE, Educ Spé.)

Pour Le CNFPT Pays de Loire depuis 2010 pour une formation « Raconter pour le tout-petit »,  depuis 2014 pour une formation « Raconter à des enfants d’âge scolaire » 

Lors de conférences animées destinés aux adultes, parents & professionnels : « Des jeux de nourrices aux premiers albums : chanter & raconter – la parole pour le tout-petit »     

Patricia OUVRARD

Écrits : Mes histoires de conteuse

Conteuse : un beau métier. Pas toujours si facile … Surtout pour moi les jours où je n’y crois plus. Où soudain raconter frise l’impossible, le dérisoire … voire l’inutile.

Alors dans ces jours-là, parce qu’il faut bien tenir, et debout encore ; je me retourne vers ces « cadeaux faits à la conteuse »… Reçus comme miens. Ils m’ont été offerts joliment empaquetés d’un regard, d’un sourire : paroles du cœur, moments d’une vie au plus vrai … Entre tous, cadeaux précieux comme des trésors.

L’envie me vient de vous en partager un.

Une maison de retraite en Vendée, dans le bocage… Je suis ravie d’y aller raconter. Pensez donc : cette région où j’ai, profondément ancrées encore, toutes mes racines familiales ! Tant de souvenirs d’enfance et de vacances, de mariages où l’on chante, de ce patois que maman recommençait à parler dans la voiture même, dès que nous avions fait la moitié du trajet …

Je l’ai fignolée cette racontée … Et les chansons encore bien plus ! (Car vous le  savez bien : pour moi, raconter/chanter … c’est tout un ; indissociable.) J’ai emprunté à mon père son petit carnet bleu. L’encre y  avait pâli, mais les paroles étaient bien là, du premier au dernier couplet. Les airs sont revenus tout naturellement : je les ai tant chantés, petite, qu’ils sont comme inscrits en moi. Donc j’ai préparé : des chansons de là–bas, de celles que tout le monde connaît … Pour ce plaisir-là, dont je ne me lasse pas, du « chanter ensemble ».

Je l’ai attendue cette racontée : elle allait être formidable … Et comme « ils » allaient chanter ! ! !

Elle a eu lieu la racontée : comme tant d’autres avant… ni mieux, ni moins bien. Ces anciens-là ont chanté : comme d’autres également… ni plus, ni moins.

Et moi : divisée… Une moitié qui raconte et qui chante. (Avec tout le cœur possible : on se doit à son public.) L’autre moitié qui cultive en secret la déception et l’amertume … Un brin vexée sans doute. Quoi ? Avec tout ce que je «leur » avait préparé, « ils » ne chantaient pas plus que ça ? Alors toutes ces chansons, si choisies, travaillées … ça ne servait donc à rien ?

La racontée terminée, remâchant mon amertume,  j’ai mesquinement prétexté je ne sais quelle contrainte horaire pour refuser de partager avec les résidents le traditionnel goûter. Le temps de se parler un peu, de se dire au revoir, et puis ils sont partis… J’ai commencé à ranger mon matériel. Au fur et à mesure de mes aller-retour vers la voiture, la salle s’est vidée au rythme lent de ces si-âgés … Je l’ai repérée. Toute petite, toute frêle. Une de ces petites vieilles que l’on dirait de verre : l’impression qu’un geste trop brusque suffirait à la casser. Assise toute seule dans un fauteuil trop vaste, elle semblait attendre. C’est quand j’ai empoigné le dernier morceau de mon estrade qu’elle s’est levée. J’ai patienté un peu, le temps dont elle avait besoin pour glisser jusqu’à moi, si fragile derrière son déambulateur… Elle a été là, toute proche, et j’ai soudain entendu sa voix. Eteinte, pas plus qu’un infime chuchotement, douloureuse. « Madame, je voulais vous dire : merci. Surtout pour les chansons … Moi, je ne peux plus (grand geste de sa main, comme pour une gorge tranchée), mais j’ai tout chanté dans ma tête ! »

… « J’ai tout chanté dans ma tête » … C’est bien cela qu’elle m’a offert !

Un cadeau comme celui-là … Je me souviens avoir balbutié quelque chose comme quoi, non, c’était moi qui la remerciais d’avoir pris ce temps pour me le dire … (Mais si vous saviez, Madame, comme j’ai parfois un regret sur les lèvres du baiser que je n’ai pas osé poser sur votre joue ce jour-là.)

Un cadeau comme celui-là … Je vais le rechercher chaque fois que l’impression me poigne de raconter, de chanter (… pourquoi ? Pour qui ?) devant un public dont je perçois mal la réponse.

Un cadeau comme celui-là … Qui chaque fois me replace dans la quiétude nécessaire : fais ce que tu as à faire. Conte et chante, t’occupe pas : accepte.  Et n’oublie pas : il y aura toujours quelqu’un ou quelqu’une, que tu n’entends pas, que tu ne vois pas, et qui pourtant « chante dans sa tête »…

Un cadeau comme celui-là : beau comme la Vie, et pour moi si plein d’apaisement…

Oui, pour ce cadeau-là Madame, aujourd’hui où que vous soyez ; sur la rondeur de notre terre ou dans l’infini de votre temps arrêté… Je vous embrasse.

Ce matin-là ils sont cinq à l’atelier conte ; trois filles et deux garçons. J’en connais trois, dont Kevin qui participe régulièrement, et Natacha que je vois pour la seconde fois.

Natacha est tout autre ce matin que la « petite fille sage et gentille » que j’ai vue la semaine dernière : elle est aux aguets et ses réactions semblent se caler sur ce qu’elle voit /ressent des autres ados qui sont présents (lors de notre première rencontre, elle était seule …).  

Visiblement, Kevin ne va pas bien : il est tendu, quelque peu agressif  durant la période d’avant-conte où nous nous saluons, où nous parlons (prise de contact …) autour d’une table dans la première partie de la pièce.

La racontée va débuter : nous nous installons dans la seconde partie de la pièce, dans les fauteuils installés de l’autre côté du paravent. Kevin refuse alors de changer de place ; il s’allonge sur un banc. Sa tête seule, dépassant à l’extrémité du paravent, émerge du côté « conte ». Natacha semble prête à suivre tout débordement. Kevin dit ne pas pouvoir / vouloir s’installer  autrement aujourd’hui ; nous acceptons et je commence à raconter dans une ambiance tendue.

Je pressens qu’il va falloir aujourd’hui un conte « fort ». Il faut que l’écoute s’installe tout de suite si l’on veut parvenir à faire groupe autour de l’histoire. Je veux éviter que les perturbations de chacun empêtrent les participants  dans des attitudes empêchant la cohésion du groupe dans l’écoute qui rend ce temps de conte précieux et générateur de bien être ; cette cohésion qui permet à des ados en souffrance, pour un instant, de laisser tomber les masques et d’oser lâcher prise.

Je commence un conte merveilleux Africain, Sabila & Kotchéli ; chemin magique et douloureux d’une mère pour retrouver sa fille. Dans ce conte j’ai installé un refrain chanté qui viendra 4 fois scander la narration ; c’est une berceuse, la langue en est sans doute approximative mais « sonne Africain ».

Dans le récit, des enjeux et des sentiments puissants sont présents immédiatement ; l’intérêt du groupe y répond tout de suite. Mais dès que je commence à chanter la berceuse Kevin s’esclaffe très bruyamment, aussitôt suivi par Natacha : je termine la chanson (courte … heureusement) sous leurs moqueries, qui ont nettement mis à mal l’écoute du groupe. Malgré le flottement que je ressens et qui me met mal à l’aise, je continue, apparemment imperturbable, à raconter … Petit à petit l’écoute se reconstruit, mais désormais je tremble intérieurement : je me sens incapable de chanter de nouveau, d’affronter les moqueries. Je crains que de nouvelles perturbations, plus fortes encore, rendent alors impossible la continuation de la racontée. J’ai l’impression que chanter est « dangereux » aujourd’hui et je décide de ne plus le faire.

Quand j’arrive au moment où je dois chanter, j’élude donc d’un « La mère s’est mise à chanter cette berceuse que sa fille aimait tant, vous vous souvenez … ». Immédiatement Kévin, allongé à plat dos, tourne la tête vers moi : « Laquelle déjà ? » – « Tu me demandes de chanter la berceuse ? » – « Ben oui ! »

Je vais chanter, bien sûr. Et ils vont écouter, bien sûr. Ecouter dans un silence attentif, émerveillé, qui les relie (« silence religieux » au sens étymologique -religere / relier- du mot ; reliés entre humains faisant groupe et reliés chacun avec leur propre intériorité (transcendance / esprit / cœur / psyché / anima  ???) ) ; un silence infiniment respectueux ; du conte et de la conteuse bien sûr, mais avant tout (et pour mon bonheur)  respectueux d’eux même et de leur sensibilité d’écorchés vifs touchée par ce que produit, ou évoque, en eux cette petite berceuse de rien du tout dans ce si beau conte, ce chant qui s’élève.

Au-delà de ma certitude que le Conte soit générateur d’un mieux-être pour tout humain, et donc particulièrement précieux à ceux qui traversent un mal-être,  j’aime ces séances avec les « ados » au CESAME  dans ce qu’elles ont à la fois d’extrêmement périlleux / gratifiant … Il est toujours difficile de raconter à des adolescents, parce que l’art du conte est très rarement pour eux un art connu, ou les concernant : alors quand on raconte à un groupe d’adolescents en situation de mal être … Oui, la situation est parfois périlleuse ! Mais quand « ça marche », quand le conte, art de la parole en relation, fait effet, ça produit du BIEN, du BON. Au moment présent, comme à plus long terme. Que je ne sache pas exactement lequel, moi qui ne suis pas thérapeute, et qui ne connais de ces ados que ce que j’en vois / perçois dans l’atelier, m’est bien égal. Là est l’espace des soignants qui accompagnent l’atelier. Mon rôle de conteuse est de pratiquer cet art du conte, assez justement pour que sa puissance agisse. C’est tout ; et c’est un bonheur.

Conteuse, quand j’entre dans la chambre d’un enfant hospitalisé c’est avec l’envie d’apporter, à lui autant qu’aux personnes qui l’accompagnent, un moment d’oubli de la maladie et de son cortège de contraintes et difficultés, un instant d’évasion dans « l’ailleurs » des  contes et histoires … En espérant que ce moment pourra être une parenthèse culturelle agréable dans un moment difficile à vivre,  parfois peut-être un moyen supplémentaire de reconstituer un peu de cette force dont ils ont besoin pour traverser l’épreuve de la maladie.

Dans mon adresse aux tout-petits, j’utilise mon harmonica, la voix chantée (répertoire de chansons enfantines traditionnelles) et parlée (comptines et jeux de doigts) et le racontage d’albums (à la différence de la lecture, je raconte l’histoire en proposant une oralisation du texte écrit – en utilisant donc mes propres mots).

Quand je m’adresse à des enfants plus grands, et donc en capacité à « imaginer » (mettre une image sur un mot), je raconte des contes de la tradition orale, sans autre supports que mes mots, ma voix & mon corps.

Cet après-midi-là, je vais sortir de mon sac à trois reprises le même album, raconter la même histoire à trois tout- petits qui ont approximativement le même âge … mais raconter si différemment à chaque fois !

Le premier enfant est tout-entier lassitude, fatigue extrême, dans une complète indifférence à mon arrivée ; ce sont ses parents qui désirent l’histoire pour lui. 

Le deuxième est hostile, il semble être dans un moment de « ras le bol de l’hôpital », est dans une attitude de refus et de rejet de tout, se détourne avec colère de ma proposition ; son papa me dit que l’enfant aurait grand besoin d’une sieste, mais qu’il refuse tout, et également de se laisser aller au sommeil … Puis il exprime tranquillement face à son enfant que lui veut l’histoire.

Le troisième est plein d’une énergie qui voudrait s’exprimer, mais qui peine à le faire dans le contexte si limité du lit d’hôpital ; il est immédiatement partant. La maman et la grand-mère  semblent méfiantes, expriment « qu’il est énervé, qu’il bouge tout le temps, qu’il n’écoute pas … ».

Premier enfant.

La maman a sorti le tout-petit de son lit, il est niché contre elle et ferme les yeux ; comme enfouit et crispé dans sa fatigue. Je sens la lassitude des parents ; également leur envie malgré tout d’accepter ce que je propose, leur désir « d’essayer ». En voyant ce tout-petit si fatigué, en le percevant si éloigné, je n’y crois guère … Je m’appuie néanmoins sur la connaissance que ces parents ont de leur enfant ; puisqu’ils me disent que je peux raconter, puisqu’ils pensent que cela sera bon pour leur enfant,  je raconte.

Quelques notes d’une berceuse à l’harmonica, puis la voix qui chante ; le corps de la maman suit le rythme du chant, sa main caresse le front de l’enfant … Le papa est près d’elle, immobile mais très présent. L’histoire va se dire ensuite dans une lenteur, une douceur infinies, à mi-voix et dans une sorte de quasi-psalmodie aérienne, avec quelques gestes comme seulement esquissés. Petit à petit, je verrais le corps de l’enfant se détendre, ses yeux vont s’ouvrir ; il tourne lentement la tête vers le livre, esquisse un sourire ; entre dans cette écoute très mystérieuse des tout-petits. Sa fatigue est toujours là, bien sûr, mais nous sommes maintenant comme dans un cocon d’apaisement. Je reste dans cette lenteur  extrême, cette économie de gestes jusqu’à la fin de l’histoire : je n’ai jamais raconté aussi lentement, et je me surprends à y prendre un grand plaisir … Les parents, souriants, me remercient. J’accepte leur merci, et je leur donne le mien : sans leur désir si fort de permettre à leur enfant de vivre ce moment-là, je n’aurais pas pu entrer dans cette relation de parole avec lui.  

Deuxième enfant.

Je vais commencer à m’adresser au papa, avec une voix plutôt neutre ; factuelle. L’enfant lui, assis dans son lit, détourne le regard dans une attitude de refus crispé ; mais il entend. Petit à petit, happé par le récit, il va entrer en écoute. Je sais toutefois, pour avoir vécu cette situation de nombreuses fois au CHU, qu’il faut que je respecte le refus qu’il m’a exprimé, que je continue à raconter (sans trop en faire, afin de ne pas montrer mon envie de l’accrocher lui)  en m’adressant à son parent jusqu’à ce que lui m’exprime clairement qu’il accepte d’entrer en relation avec moi. Cet enfant-là va se débattre entre sa colère du moment et l’envie qu’il a de l’histoire durant tout ce premier récit – je le vois dans son corps qui se tourne vers moi, son regard qui se pose sur l’album ; puis qui se détourne soudainement, pour revenir encore … Je ne le regarde que du coin de l’œil, ne m’adresse jamais directement à lui – son papa joue le jeu à la perfection et ne « s’occupe pas de lui », semble seulement intéressé par mon récit. L’album terminé, je sens que je peux m’adresser à l’enfant : « Voilà, l’histoire est terminée …  » – « Une autre ! ». Le papa et moi nous nous regardons, échangeons un sourire complice : on a gagné ! Je raconterai deux autres albums à un enfant souriant, détendu, et ravi finalement d’interagir dans les histoires avec moi. Juste après la dernière histoire, le papa tend à l’enfant son doudou, se penche vers lui pour le réinstaller au creux du lit, l’enfant s’allonge … En espérant que « ça marche », je les quitte sur la pointe des pieds.

Troisième enfant.

Il est dans son lit, entouré de ses jeux. Il a acquiescé dans l’instant à ma présence, mais continue ensuite à manipuler ses jouets sans plus me prêter d’attention… La maman et la grand-mère n’y croient pas ; mais moi, si. Un petit air d’harmonica lui fait lever les yeux, il y a du nouveau : ça l’intéresse, il lâche son jouet. Je lui chante « les petites marionnettes » : la grand-mère chante et mime avec moi, l’enfant est ravi, il rit. Ce petit air si connu m’est très utile pour entrer en relation. Il rassure l’enfant autant que les adultes méfiants car, aussi simple soit-il, il reste un des fondamentaux de notre culture commune autour des tout-petits : un point de repère. Je passe ensuite à une petite histoire à raconter avec mes doigts. La maman et la grand-mère la reprennent ensuite avec moi, heureuses de l’attitude de l’enfant qui ne nous quitte pas de yeux : « Il aime ça ! ». Je sors ensuite l’album de mon sac, manifestement c’est du nouveau pour cet enfant. Il reprend un jeu en mains, son attention hésite entre le connu et l’inconnu, se disperse. Je ne le verrai sans doute qu’une fois, j’ai l’envie de lui faire découvrir combien ça peut être intéressant un livre … Cette histoire soudain se fait pleine d’énergie, de vivacité, de variations vocales, de mouvements amples et toniques : pêchue, en un mot ! Et en effet, elle pêche l’attention du petit qui n’en revient pas de me voir m’amuser ainsi … et qui alors s’amuse autant que moi. Je pourrai ensuite raconter un second album beaucoup plus tranquillement ; l’enfant gardera cette belle attention jusqu’à la fin. La maman et la grand-mère exprimeront leur émerveillement : « Il a été très attentif, tout le temps il vous a écouté … ». J’aime quand ce temps de racontage au CHU permet aux parents de découvrir ainsi une capacité qu’ils ne connaissaient pas encore à leur tout-petit; cela arrive régulièrement et confirme s’il en est besoin combien cette action s’inscrit pleinement dans une démarche culturelle.

Trois chambres, trois enfants, trois rencontres autour d’un même album : « Roule ma boule » de Grégoire Solotareff. Une même histoire qui – parce qu’elle est, sous ses airs de petite histoire pour les tout-petits, une belle, forte et poétique histoire créé par un grand auteur / illustrateur – saura s’adapter aux besoins du moment et nous permettre de vivre autour d’elle trois moments différents : uniques, précieux.

Merci Monsieur Solotareff.

L’enfant, un petit garçon de 4 – 5 ans, allongé dans son lit, pleure. Ses parents sont assis tous deux face à moi de l’autre côté du lit. Tout en me présentant, je fais le point sur ce que je perçois : l’enfant semble pleurer d’énervement, de fatigue de « trop marre »; les parents sont fatigués, ont sans doute « tout essayé », ne savent plus que faire… L’enfant a cessé de pleurer pour dire qu’il ne veut pas d’histoire ; je me tourne vers ses parents : « Peut-être que ton papa et ta maman, eux, ont envie d’une histoire ? ». Immédiatement, les parents entrent dans mon jeu, acquiescent ; « Bon, alors je raconte pour eux… ».

Je me place au coin inférieur du lit, je sors l’album « Je suis parti », et me tourne vers les parents, assis l’un près de l’autre sur le côté du lit, tout en veillant à rester dans le champ de vision de l’enfant allongé. Lui ferme les yeux et garde un air désapprobateur. Je commence à raconter, sur un rythme lent, d’une voix ténue, en m’adressant délibérément aux parents.

« Je suis parti » est un album qui peut s’adresser à tous et à chacun sans barrière d’âge ni de culture; il m’est très précieux, au CHU comme partout. Petit à petit le charme du récit opère : l’histoire s’installe dans la chambre et nous embarque vers un autre moment, un autre lieu … Du coin de l’œil, je vois les parents se détendre ; leur sourire revient, leurs mains se cherchent, se trouvent. Sur son lit, l’enfant est tout ouïe, soudain il ne résiste plus, il ouvre les yeux mais, croisant mon regard, les referme aussitôt. Je détourne les yeux (pour lui laisser la liberté de ré-ouvrir bientôt les siens, tout grand, en se disant que je ne le vois pas…) tout en continuant tranquillement de raconter. Finalement, l’enfant se détendra suffisamment pour accepter de rentrer pleinement dans l’écoute active avec ses parents. Trois visages détendus et souriants accueilleront ensemble le dénouement de l’album : on est comme dans une bulle de rêve et de douceur apaisée. Ça fait du bien.

Il a 18/19 ans, est atteint de myopathie. Il vient de subir une opération et actuellement une trachéotomie ouverte lui ôte la parole.

L’éducatrice sort de sa chambre où elle est allée proposer mon intervention : « Ses parents sont avec lui… Sa maman a refusé tout net, mais lui a exprimé qu’il désire que tu racontes. Sa maman est mécontente ; ça va aller ? ». Je la tranquillise : puisque lui veut un conte, ça va aller …

Dans la chambre, ils sont quatre autour du lit. Le visage de la maman me manifeste clairement sa  désapprobation : air dur, fermé. Lui est souriant, accueillant. Comme à mon habitude, je propose de raconter « pour tous ceux qui sont là » et on prend le temps de bien s’installer pour que les auditeurs soient autour du malade et face à moi. Dans le fond, je ne suis pas très rassurée : l’hostilité de cette mère me met mal à l’aise, et l’incapacité de ce jeune à parler ne m’aide pas à choisir dans mon répertoire « le » conte qui convient. Dans ces moments là pour moi, seule la confiance est bonne conseillère : laisser faire, rester sereine et accueillir le conte qui vient … Tiens, le voilà justement qui se présente : « La naissance du soleil », un conte étiologique (qui explique le monde) qui dit comment, un jour, est né le soleil, tout en  mettant en images avec justesse, humour et émotion l’attente de l’enfant et cette merveille absolue qu’est, pour ses parents, l’enfant à naître (oui, je sais, dit comme ça on a du mal à se rendre compte : il faudrait que je vous raconte …)…Tout cela bien sûr avec la force du conte, c’est-à-dire en toute simplicité et poésie, et surtout en n’ayant l’air de rien.

Lui, allongé sur le lit, écoute l’histoire avec un intérêt, un plaisir, vrais ; évidents. Sa maman, qui ne veut pas me regarder mais ne le quitte pas des yeux en est d’abord infiniment surprise, puis infiniment soulagée : elle perd son air revêche, se tourne vers moi, se met à écouter le conte. Alors le conte se met à lui parler, à parler sans doute à la mère qui est en elle, la mère qui a attendu un enfant, son enfant, cet enfant-là qui, quoi qu’il arrive et parce qu’il est le sien, est et restera la merveille à ses yeux. Elle est souriante désormais, émue également : son regard vole, croise celui de son fils, de son époux. Je sens une grande complicité heureuse entre eux dans ce moment, dont les visiteurs (sans doute des oncles & tantes) sont les témoins réjouis : merci le conte !!!

Après l’histoire, ils me remercieront tous, même lui qui se débrouillera avec ses yeux, ses mains, pour me transmettre qu’il aimerait que je revienne la semaine suivante. Puis la maman s’approche : « Je vous prie de m’excuser, je ne savais pas que c’était cela. Je croyais que l’on proposait à mon fils une histoire comme pour les petits, c’est cela qui m’a fâchée. Merci, merci vraiment. »

Une maman m’appelle alors que je passe dans le couloir : « C’est vous la conteuse, je m’en souviens : vous nous avez raconté une histoire de chat, c’était super, on en parle encore !!! » De fil en aiguille, je pose mon sac et raconte une histoire à sa petite fille  qui vient de nouveau d’être hospitalisée, sans que cela ait été prévu manifestement… « Merci. Vous savez, ici on n’apprend pas toujours de bonnes nouvelles ; là, par exemple, je viens de prendre une claque … Alors vous, avec vos histoires, c’est du bonheur que vous apportez, et ça fait du bien. »

Il a douze mois, mais il est si fatigué qu’il ne parvient plus à tenir sa tête droite, il a l’air triste… Ses parents sont auprès de lui, aussi attentifs à lui qu’à moi, participants. Un air d’harmonica, quelques enfantines à chanter, une histoire à raconter dans sa main que j’apprends à ses parents ; tout cela tout en douceur pour ne pas rajouter à sa fatigue, à sa douleur … Et voilà qu’il sourit, et j’entends la voix émerveillée de son papa : « Ça fait du bien ! Si vous saviez ; depuis cinq jours c’est la première fois qu’on le voit sourire ! ».

Service de neurologie. C’est un pré-adolescent poly-handicapé, lourdement. Son papa est présent, je raconte un album … Lui est réactif par quelques sourires, mais je le connais trop peu pour percevoir vraiment ce qu’il perçoit, ce qu’il entend, ce qu’il comprend. Le papa et très attentif et détendu, il apprécie ce moment et cela m’aide beaucoup. « Merci. Je vais acheter ce livre : je peux vous dire qu’il a vraiment aimé, je le lui raconterai encore. » : ce remerciement est pour moi précieux comme un trésor …

Je les retrouverai tous deux quatre années après lors d’une nouvelle hospitalisation : le papa me reparlera de ce livre, qu’il a ensuite raconté de nombreuses fois à son fils.

Il a entre trois et quatre ans. Il a marché, parlé, couru, comme tout enfant de son âge. Mais il est atteint d’une maladie dégénérative qui petit à petit lui enlève toute capacité, toute mobilité et le conduit inéluctablement, et sans délai, à sa mort. Déjà il ne bouge plus qu’un peu son bras droit, il ne voit plus, ne parle plus ; mais il entend. L’éducatrice m’a demandé si j’acceptais d’aller raconter pour lui. Oui, bien sûr.

J’ai peur avant d’entrer dans la chambre, mais je sais aussi qu’à chaque fois le naturel qu’ont les enfants qui luttent contre la maladie à VIVRE simplement chaque instant m’aide à dépasser mes appréhensions, à être conteuse pour eux sans me laisser déborder par des affects qui n’ont pas leur place dans le rôle que je dois tenir.

Ses parents sont à ses côtés, il y a trace de tristesse lourde dans cette chambre : comment n’y en aurait-il pas ?

Pendant 30 mn je vais raconter pour eux … l’enfant va entrer avec une joie entière dans le conte, réagir autant qu’il le peut, exprimer sa joie, rire. Les parents sont heureux de ce bonheur-là, si clairement exprimé par leur enfant ; cet enfant qui meurt – cet enfant qui est vivant, dans l’instant. Alors ils rient également, et bien entendu j’en rajoute … Oui, il y aura beaucoup de rires et de joie partagés durant ces 30 minutes ; peut être un bon souvenir à conserver pour après, pour tenir debout dans le chagrin …

Pour moi, après avoir essuyé une larme dans le couloir avant d’aller vers une autre chambre, reste le privilège immense qu’ils m’ont offert d’avoir pu vivre avec eux ce moment-là.

La Claverie – Centre de convalescence & EHPAD : les résidents et patients arrivent, s’installent ; j’aime bien durant ce temps, parfois long, les saluer, me présenter à eux.

Je m’approche d’une dame âgée qui semble peu mobile. Elle a l’air pimpant, porte des vêtements colorés, mais son corps est tout de traviole, tassé sur son fauteuil. Je la salue puis lui explique ce que nous allons faire bientôt. Elle m’écoute attentivement, son regard levé vers le mien, puis soudain me répond doucement : « Oui… Mais moi, là, je suis perdue. »

Ce n’est pas la première fois qu’une personne âgée me dit ainsi  être « perdue » ; à chaque fois ce mot si fort me bouleverse. Je m’accroupis au pied du fauteuil et continue la conversation. Je vous la retranscris ici ; le ton de cette dame était celui d’un constat attristé, pas celui de la plainte ; quant à moi, hésitante, désemparée, j’ai dit ce qui m’est venu ce jour-là pour cette interlocutrice-là, qui me regardait droit dans les yeux et dont le regard attendait, exigeait, mes réponses.

 

  • Vous êtes perdue ?
  • Je suis perdue.
  • … Peut-être que ça fait peur …
  • Je suis perdue et j’ai peur.

Je me tais. Que puis-je dire ? Moi aussi, en cet instant j’ai un peu peur.

  • Qu’est-ce que je peux faire ?
  • Je ne sais pas … (et à cet instant, c’est moi qui suis perdue …)
  • Qu’est-ce que je dois faire ? (De la voix, du regard ; elle exige que je lui réponde)
  • Et bien … Peut être vivre une seconde, et puis une autre seconde, et encore une autre seconde … Et à chaque fois faire un pas, et avancer comme ça pas à pas, et au bout d’un moment voir où vous en êtes.
  • Oui… Mais est ce que j’en suis capable ?
  • Je ne sais pas …

Son regard se fait insistant, elle répète, plus fort :

  • Est-ce que j’en suis capable ?
  • … Peut-être …
  • Voilà, c’est ça ; on ne sait jamais si on est capable de quelque chose avant d’avoir essayé de le faire.

Elle souriait maintenant doucement, je lui ai redit que ce que nous allions faire dans l’instant c’était chanter & raconter et suis partie saluer les autres participants. A la fin de la séance, cette dame est venue me saluer et m’a remerciée, me disant que « C’était intéressant tout cela et que ça lui avait fait du bien … ».

J’ai rendez-vous cet après-midi-là à la médiathèque des Ponts de Cé avec les résidents de la maison de retraite.

Dans ma voiture, je me prépare …

Je suis joyeuse : il fait très beau, j’ai mangé ce midi la première fraise de mon jardin, et dans le nichoir neuf mésanges ont éclos. Je suis emplie de ces deux petites merveilles du jour et l’idée me vient de rentrer dans la racontée en les partageant aux résidents … Je peaufine cela dans ma caboche quand soudain un couperet tombe (intérieur, le couperet … bien entendu !) : « Patricia, tu ne vas quand même pas ramener ta fraise et ton nichoir et tes mésanges devant des personnes qui sont désormais privées de leur jardin, de leur maison … Non ; ce serait cruel ! Tu commenceras autrement. »

Me voilà à la médiathèque.

Je m’installe. J’accueille les résidents qui arrivent à leur rythme lent.

Je repère une petite dame, l’air bien en forme ma foi, qui en ce beau jour de soleil a revêtu sa robe à fleurs, très colorée, 100 % polyester (une « robe en plastique » comme je les nomme quand je suis seule avec moi). Nous parlons toutes deux de ce plaisir annuel de ressortir nos vêtements de la belle saison aux premiers rayons de soleil …

Ca y est, tout le monde est installé : je commence.

Et dès que j’ouvre la bouche les mots s’en échappent, libres de tout préjugé, sans que je puisse d’une quelconque manière les empêcher de vivre ! La première fraise du jardin, les mésangettes : les mots osent tout dire tranquillement … Je partage sans plus me poser de question le meilleur de ce que j’ai goûté aujourd’hui.

Un doux silence suit. Et puis la petite dame à la robe en plastique hoche la tête, et bien distinctement elle affirme : « Oui. Voilà. Ce que vous nous dites là, ce sont les petits riens qui sont le TOUT de la vie. »

Je ne vous l’ai pas dit ce jour-là, je vous le dit ici madame : « Merci pour votre sagesse, pour votre capacité à être (et ceci m’émerveille) sereine dans vos souvenirs, sans amertume devant ce que vous avez peut-être perdu … Et pardonnez-moi d’avoir mesquinement pensé que vous auriez pu ne pas en être capable.»

Ressources - Quelques documents que je peux transmettre sur demande.